Si la Méditerrannée fait souvent rêver, elle est ces dernières années le témoin malheureux de l’impact brutal du réchauffement climatique.
Dans cet article, l’équipe de Kalimera Massalia explore les solutions communes mises en place pour freiner le phénomène et préserver notre lieu de vie.
La Méditerranée en héritage
La terme Méditerranée signifiant littéralement « au milieu des terres » présage déjà qu’il s’agit d’une jonction, d’un lieu de partage qui unit 3 continents : l'Afrique, l'Europe et l'Asie. Avec ses 2.5 millions de km2 d’étendue d’eau salée, elle constitue un patrimoine matériel et immatériel remarquable mêlant culture, coutumes ancestrales, architecture et panoramas naturels uniques.
Son climat se caractérise par des hivers doux et des étés chauds, un ensoleillement important mais aussi des vents violents assez fréquents comme le Mistral ou la Tramontane et une sécheresse certaine qui s’accentue ces dernières années. Notre article bien qu’orienté sur l’ensemble de la Méditerranée va se focaliser sur Marseille, le Pirée et Limassol. Ces 3 villes portuaires, l’une française, la seconde grecque et la troisième chypriote ont beaucoup de points communs. Rappelons aussi que Marseille est jumelée avec le Pirée depuis 1984, alors que Limassol a des accords commerciaux et de coopération avec la cité phocéenne depuis 2016.
Source : Google Earth
Comment se manifeste la crise climatique en Méditerranée ?
Faisons une petite rétrospection historique sur l’évolution du climat méditerranéen. Depuis le début de la révolution industrielle à nos jours, le lien de cause à effet entre le réchauffement climatique et les émissions liées aux activités humaines est indéniable. On constate un réchauffement atmosphérique, océanique et terrestre qui impacte la biodiversité, la biosphère, les comportements des espèces animales et végétales, la quantité et les variations des précipitations.
Un réchauffement climatique plus rapide en Méditerranée
La Méditerranée est sujette à un réchauffement climatique plus rapide que le reste du monde. On estime qu’elle se réchauffe 20% plus vite. Mais quelles en sont les causes ?
La Méditerranée est tout d’abord une mer semi-fermée, délimitée au nord-est par le détroit des Dardanelles menant à la mer de Marmara et au sud-ouest par le détroit de Gibraltar. Ce dernier constitue la seule ouverture réelle (sur l'Atlantique) mais mesure moins de 15 km. De ce fait, le renouvellement des eaux en Méditerranée est très lent et leur profondeur est relativement faible : elle chauffe plus vite que la plupart des autres mers et sa salinité augmente rapidement. Ce réchauffement de l'eau est aussi à l’origine d’orages de plus en plus brutaux et intenses. A ces facteurs s’allie une diminution significative des précipitations qui mène à un réchauffement climatique alarmant dans la région.
La température
L’urbanisation des villes côtières et les activités humaines du pourtour Mediterranéen ne cessent d’augmenter de manière artificielle le taux de C02 dans l’atmosphère. Les agglomérations méditerranéennes se caractérisent trop souvent par une construction frénétique avec notamment de gros complexes hôteliers, un trafic commercial et touristique intense et une imperméabilisation des sols trop fréquente.
D’ici 2100, on prévoit une augmentation des températures en Méditerranée pouvant aller jusqu’à 6°C.
La hausse du niveau de l’eau et l’érosion côtière
On constate une hausse inquiétante du niveau de la mer en Méditerranée. A Marseille, entre 1885 et 2020, elle est montée de 18 cm, avec des chiffres plus que révélateurs, puisqu'elle a pris seulement 10 cm en 105 années et 8 cm ces 30 dernières années.
Cette augmentation du niveau de l’eau s’explique principalement et logiquement par la fonte des glaciers mais aussi par le mouvement des plaques tectoniques. Ces dernières sont à l’origine d’érosion des sols marins et d’érosion côtière. D’ici à peine une trentaine d'années, plusieurs villes pourraient être ensevelies sous l’eau.
L’organisation Climate Central a mené une campagne visant à montrer les dégâts du réchauffement climatique à travers le monde.
Parmi les visuels sur la montée des eaux, on retrouve l’emblématique église de St Nicolas au Pirée sous l’eau.
Source : picturing.climatecentral.org, https://www.climatecentral.org/what-we-do/legal
La pollution
Dans les villes portuaires comme Marseille, Limassol et le Pirée, l’activité maritime notamment celle des bateaux de croisières est pointée du doigt lorsqu'il s’agit de discuter de la pollution atmosphérique. Une fois amarrés à quai, les bateaux et ferries ne coupent pas leur moteur et rejettent des particules extrêmement nocives pour la santé comme les oxydes de soufre ou d’azote.
Les bateaux de croisières polluent 3 à 4 fois plus que l’ensemble des voitures. Dans les 3 villes précédemment citées, les habitants vivant dans les quartiers autour du port subissent les émissions de fumée et de poussières des bateaux. Marseille décroche la médaille d’or du port le plus pollué de France, le port du Pirée celui de la Grèce et le port de Limassol celui de Chypre.
En plus de la pollution atmosphérique, la Méditerranée est l’une des mers les plus polluées au monde. Outre le fait qu’elle soit, comme mentionnée précédemment, une mer semi-fermée, la concentration de microplastiques dans ses eaux est de 1.25 millions de fragments par km2, ce qui dépasse d’environ 4 fois celle du continent de plastique dans le Pacifique.
Cette concentration s’explique par la super-production de plastique, la mauvaise gestion de ces déchets mais surtout par l’acheminement de ces plastiques via les fleuves tels que le Rhône ou le Nil qui se déversent dans la Méditerranée. Ces derniers, chargés en déchets plastiques souvent dégradés polluent la mer, alimentent les espèces marines et se retrouvent malheureusement dans nos assiettes.
Déchets dans le Vieux-Port de Marseille
La sécheresse
En Méditerranée, le taux des précipitations a toujours été plus bas que le taux d’évaporation de l’eau lié à l'ensoleillement. De ce fait, les besoins en eau des plantes, arbres et arbustes présents dans le bassin Méditerrannéen ne sont pas importants comme le romarin, le laurier tin, le pistachier ou encore l'incontournable olivier.
Cependant, le réchauffement climatique accentue considérablement cette sécheresse pré-existante. Des répercussions alarmantes sont à déplorer sur la faune et la flore. On constate aussi un assèchement des nappes phréatiques, qui affecte directement les activités économiques avec le secteur de l’agriculture qui reste le plus touché.
Enfin, la sécheresse associée à l'augmentation des températures crée inévitablement un terrain propice aux départs de feux.
Les Feux
Un départ de feu à Limassol, un autre à Marseille, ce sont des informations qui se banalisent ces dernières années et rythment nos périodes estivales.
L’été 2025 a été l’un des plus extrême en la matière. La cité phocéenne s’embrase à plusieurs reprises, notamment le 8 juillet dernier. Les Pennes-Mirabeau et le quartier de l’Estaque sont particulièrement touchés. La grande mobilisation des marins-pompiers de Marseille n’y pourra rien, le vent propulse les flammes à des portées allant jusqu'à 300 mètres. 750 hectares sont ravagés par les flammes. Ici, l’origine du feu serait un véhicule arrêté sur la bretelle d’autoroute.
Deux semaines plus tard, les 23 et 24 juillet c’est Limassol, deuxième ville de Chypre qui est touchée par les incendies alors que la température de cette ville balnéaire atteint les 44°C.
Des villages aux alentours sont ravagés par les flammes qui atteignent le quartier de Ypsonas à l’ouest de la ville. Triste bilan : 2 victimes emprisonnées par les flammes, des dizaines de blessés et 125km2 brûlés.
Ici, les causes du départ du feu restent incertaines, il pourrait s'agir d’un incendie criminel; mais les conditions favorables à son développement sont toujours les mêmes : des températures élevées, des vents violents et une sécheresse qui peuvent à tout moment convertir une journée d’été banale en un brasier.
Quelles solutions ?
De plus en plus de chercheurs, architectes et spécialistes tentent de trouver des solutions pour contrecarrer cette crise climatique.
Parmi ces acteurs nous pouvons citer :
l’UMAR (Union méditerranéenne des architectes) qui est créée en 1994. Elle réunit des architectes des pays du pourtour méditerranéen dont la France, la Grèce et Chypre et a pour but d’analyser les conséquences du réchauffement climatique et de trouver des solutions communes, grâce à un partage d’expérience et à la création d’une base de données.
le Circe Med, qui est un réseau méditerranéen de l’économie circulaire. Il rassemble et sert les organisations méditerranéennes impliquées dans la transition vers des fonctionnementsécologiquement sûrs et socialement justes.
ou encore les tentatives européennes comme la mise en place du label « 100 villes neutres en carbone d’ici 2030 ». Limassol, Marseille et Athènes sont lauréates du projet et travaillent d'ores et déjà à la mise en place d’un programme pour une ville plus propre, plus intelligente, climatiquement neutre. Nous allons nous focaliser sur ces solutions communes en Méditerranée.
Production d’énergie
Nos modes de vie obligent une consommation d’énergie considérable. La première phase vers une transition énergétique réussie serait de pouvoir produire cette énergie en utilisant les ressources naturelles et renouvelables de la Méditerranée.
Le vent, le soleil, les courants marins sont des sources intarissables qui peuvent répondre aux besoins. Les taux d'ensoleillement en Méditerranée sont assez significatifs. Selon Climate Data sur l’année 2019, Limassol est à la tête du podium avec en moyenne 3648.75 heures d’ensoleillement par an, juste devant Marseille où l’on enregistre environ 3526.16 heures d’ensoleillement. Tandis que le Pirée se trouve juste derrière avec 3368.26 heures d’ensoleillement sur cette même année.
La mise en place systématique de panneaux solaires et d’éoliennes en Méditerranée pourraient remplacer de manière durable les énergies fossiles et nucléaires. Seul point négatif dans l’utilisation des éoliennes et des panneaux solaires actuels : leur fabrication et leur entretien restent très polluants. Cependant, c’est une étape indispensable si nous souhaitons freiner le réchauffement climatique.
Ville plus verte
Les arbres constituent le seul vrai rempart face à la hausse des températures. Planter des arbres permettrait de réguler et de baisser la température de 1 à 5°C. Rappelons aussi que les arbres absorbent le CO2, 30 kg en moyenne par an pour un arbre adulte et rejettent de l’oxygène.
Marseille a lancé un plan de plantation d’arbres notamment en périphérie de la ville, dans les parcs et jardins. Cependant, ce sont les centres villes qui sont les plus touchés par les pics de chaleur et le manque de végétalisation. Comment créer des îlots de fraîcheur dans des villes déjà bien urbanisées? La présence de réseaux souterrains (électriques etc.) et les dégradations des chaussées et des bâtiments par le développement des racines sont souvent un frein à la plantation. C’est la raison pour laquelle certaines villes redoublent d'ingéniosité avec par exemple la mise en place d’immenses pots et jardinières plantés avec des variétés de la région correspondante.
Ces pots sont munis d’un système d’auto-arrosage pour apporter de l’ombre et de la fraîcheur dans des sites qui ne peuvent pas accueillir d'arbres. Par exemple sur des places avec des parkings souterrains. D’une durée de vie de minimum 20 ans avant que les essences doivent être remplacées, ces derniers apportent une solution aux problématiques actuelles.
Au-delà des îlots de fraîcheur, une attention particulière doit être donnée aux types de construction et aux matériaux utilisés. Pour les projets neufs, il s’agirait de dessiner des bâtiments plus écologiques et ayant une certaine efficacité énergétique. Tandis que pour les bâtiments existants, il s’agirait de rénovations énergétiques en incorporant des systèmes nouveaux afin de limiter leur impact sur l’environnement.
Les transports
Dans les grandes agglomérations, la présence de transports en commun est nécessaire pour limiter les déplacements en voiture. Il est primordial de développer les réseaux de métros, tramway etc. afin de désengorger les villes en limitant la circulation. Marseille, Le Pirée et plus récemment Limassol l’ont bien compris et ont entrepris des chantiers d’envergure pour diversifier, moderniser et dans certains cas créer les réseaux.
Marseille a émis un plan d'expansion avec par exemple une ligne tramway jusqu’à la Valentine, L’escale Borély ou encore St Jérôme.
Source : Aix-Marseille-Provence Métropole
Le maire de Limassol, que nous avons eu le plaisir d'interviewer en octobre dernier, exprime quant à lui le souhait de développer une ligne de tram le long de la côte. Tandis que le Pirée, a multiplié ses itinéraires, notamment avec le centre d'Athènes et a intensifié le trafic de bus de nuit. Ces transitions sont assez lentes mais ont le mérite d'avoir débuté.
Concernant les déplacements automobiles, les voitures électriques et hybrides peinent à remplacer les voitures fonctionnant au diesel et à l’essence. En France, nous pouvons noter la mise en place de la pastille Crit’Air qui permet de se rendre compte du niveau de pollution de notre véhicule.
Les ports
Face à la grosse problématique de la pollution liée aux bateaux de croisières, les ports de Marseille et du Pirée ont commencé des travaux pour permettre à ces géants des mers de se raccorder électriquement au port lorsqu'ils sont à l'arrêt sur le quai. Le principe est simple, grâce à cette alimentation depuis le port, les bateaux pourront couper leur moteur une fois amarrés et ne rejetteront plus leur fumée nocive dans les villes. L’alimentation permettra de répondre aux besoins électriques des bateaux.
D’ici 2030, avec le projet européen Magpie les ports dit « verts » devront s’équiper de cette technologie pour anticiper les besoins des bateaux qui promettent d’être de plus en plus nombreux.
Le plastique et les déchets
Apprendre à limiter la fabrication du plastique et apprendre à traiter les déchets est une étape primordiale dans la lutte face au réchauffement climatique. Cela débute bien évidemment par le recyclage et le tri mais aussi par des décisions rigoureuses comme l’interdiction des pailles en plastique, ou encore le fait d'accrocher les bouchons sur les bouteilles pour éviter que ces déchets ne finissent à la mer. Rappelons que chaque jour, 630 tonnes de plastiques sont rejetées en Méditerranée.
Malgré une prise de conscience collective, les difficultés à mettre en place des solutions communes pour lutter face au réchauffement climatique subsistent car elles relèvent de facteurs économiques, politiques, sociaux et même culturels. On ne peut que constater les inégalités face au réchauffement climatique. Il existe en effet une concentration géo-économique des populations les plus touchées par les changements du climat et par la pollution.
Ces leviers devront être levés pour éviter de sceller de manière dramatique le destin d’une des plus belles régions du monde : la Méditerranée.