Nikos CHRISTODOULIDES, Président la République de Chypre, a ouvert le samedi 20 avril 2024 le colloque annuel organisé par l’initiative Babel, association permettant de former de futurs chercheurs aux études méditerranéennes, moyen-orientales et nord-africaines, et basée au Campus de Menton de Sciences Po Paris. Cette année l’initiative Babel a été consacrée à Chypre. Une trentaine d’étudiants dont 15 étudiants chercheurs ont réalisé un voyage d’étude du 18 au 25 février 2024 sur l’île pendant lequel ils furent notamment reçus au Palais présidentiel de Chypre et par l’Ambassadeur de France à Nicosie.
Une venue symbolique
La venue du Président de la République de Chypre représente la première visite d’un chef d’État étranger sur le campus de Menton depuis son inauguration à laquelle avait assisté le Prince de Monaco. Le Campus de Menton a été fondé en 2005 par Sciences Po Paris pour accueillir les étudiants de premières années qui se spécialisent sur la Méditerranée et le Moyen-Orient et rassemblent près de 300 étudiants provenant 50 pays de l’ensemble des continents et maîtrisant plusieurs des 6 langues de travail de l’ONU qui sont quotidiennement utilisés dans leurs classes.
Le directeur du Campus, Youssef HALAOUA, a indiqué que l’actuelle promotion comptait, pour la première fois, deux étudiantes chypriotes. Théotime CHABRE, Doctorant et Chercheur en sociologie et science politique, a par ailleurs indiqué à la rédaction de Kalimera Massalia présente au colloque, que le campus comptait également de plus en plus d’étudiants grecs mais également cette année une étudiante russe ayant grandi du côté de l’île occupé par la Turquie, témoignage de la diversité des parcours sur le campus. Youssef HALAOUA a indiqué que le Campus était en train de nouer des partenariats avec les 2 écoles françaises de Chypre.
Le Président de la République a été accueilli par le Maire de Menton, ville avec laquelle un projet de jumelage avec une commune chypriote est envisagé, mais également le Maire de Monaco, le Ministre de l’Enseignement supérieur de la Principauté, et le directeur de cabinet du Maire de Roquebrune. Son discours a été introduit par la responsable du pôle culturel de l’initiative Babel et étudiante gréco-américaine du campus, Alexandra ILIOPOULOU.
L'initiative Babel
Nikos CHRISTODOULIDES a rappelé son engagement en faveur de la jeunesse et de la recherche scientifique pour parvenir à définir de meilleures politiques publiques. Voilà pourquoi, l’intérêt stratégique de la République de Chypre rencontre selon lui les orientations scientifiques de ce Campus et de l’initiative Babel et particulièrement les recherches menées et présentées dans ce colloque. Il a suivi la présentation des 5 recherches par groupes de 3 étudiants-chercheurs sur :
Les efforts des acteurs intercommunaux issues de minorités sexuelles ou genrées, de part et d’autre de la zone tampon : la création de lieux de tolérance dans le centre de Nicosie et la participation de la marche des fiertés chypriote qui rassemble des participants, au-delà des 2 communautés séparées, aussi issues des immigrations économiques plus récentes.
Les utilisateurs du langage chypriote des signes (sourds, malentendants et entendants, hellénophones, turcophones et allophones) par rapport au sentiment identitaire et patriotique : si le sentiment de patriotisme des utilisateurs de cette langue des signes chypriote (différentes de la langue des signes grecque) ne varient en fonction de leurs situations, ceux qui sont malentendants ou sourds se reconnaissent plus fortement comme Chypriotes.
L’intégration de la nouvelle communauté libanaise : depuis 2019, Chypre voit de nouveau l’arrivée massive d’étudiants et d’actifs fuyant l’instabilité du Liban et de la Région et leur intégration est facilité par les liens religieux (par la présence de l’Église maronite), linguistiques (par l’assise de la francophonie à Chypre) ou économique (l’exemple est donné de l’entreprise franco-libanaise Murex installée à Nicosie depuis 2021) ; suite à la guerre du 7 octobre 2023, de nombreux Libanais ont déclarer commencer à apprendre le grec afin de prendre à terme prendre la nationalité chypriote.
Les effets de la mondialisation sur le système universitaire chypriote : par l’arrivée de nouvelles universités privées étrangère, notamment l’Université du Lancashire central à Pyla en 2012, l’Université américaine de Beyrouth, dont le campus « Mediterraneeo » a été implanté en 2023 à Paphos, ou par une anglicisation accrue de l’enseignement supérieur parfois voulue par le corps enseignement mais toutefois freinée par le gouvernement qui souhaite que tous les Chypriotes hellénophones puissent étudier dans leur langue maternelle, sans discrimination.
Les sentiments de tolérance et de menace vis-à-vis des migrants : alors que la République de Chypre a le plus fort taux de migrants dans sa population, les migrants à Nicosie seraient bien tolérées d’abord selon leur appartenance religieuses puis leur apport économique et leur appartenance culturelle et leurs traditions mais moins en fonction de leur ethnicité d’origine et de la même manière leur appartenance n’est pas vue comme une menace mais à l’inverse la concurrence économique est, elle, perçue comme la première des menaces.
Des sujets qui nous concernent tous
Le Président de la République de Chypre s’est félicité que les recherches menées ne concernent pas prioritairement le problème chypriote, mais d’abord les mouvements de la société civile chypriote que l’étude de leur mécanisme permet de définir une coopération et une identité renouvelée pour parvenir à l’unité de l’île.
À cet égard, il a souligné l’importance pour la République de Chypre de ne pas avoir une action seulement centrée sur le problème chypriote mais d’acquérir internationalement une expertise et une reconnaissance sur des sujets tels que :
la lutte contre le changement climatique, pour la biodiversité, la résilience et l’adaptation face à ces enjeux ;
l’autonomisation des femmes en matière d’emploi ;
la réponse humanitaire, notamment récemment par la mise en place du corridor de Gaza ;
la construction d’alliances régionales, comme des mécanismes trilatéraux avec certains pays du Moyen-Orient, qui permettent de progresser, au-delà des différences politiques, sur des atouts et enjeux communs.
Le colloque a été clôturé par les étudiantes britannique et chypriote, respectivement Présidente et Vice-Présidente de l’association, Anna RUSIN et Ioanna CHRISTODOULIDES : Chypre est un terrain d’études remarquable pour comprendre les dynamiques qui traversent la Méditerranée et ses continents voisins et ces recherches permettent de sortir des préjugés et des essentialisations portés sur les pays et populations et minorités de la région du Proche-Orient.